Déclaration de la FSU
Manifestation pour la régularisation de Madama Diawara
On ne naît pas étranger, on le devient : on le devient quand un jour, on doit quitter son pays, poussé par la misère, la guerre, la brutalité d’un régime politique ou une catastrophe environnementale.
On ne naît pas clandestin, on le devient : on le devient quand une administration vous signifie, par une fin de non-recevoir, son refus de vous régulariser.
Ils sont plusieurs centaines de millions à fuir chaque année leur pays d’origine pour emprunter les routes chaotiques de la migration. Seule une poignée d’entre eux arrive dans notre pays au terme d’un chemin de croix : le plus souvent pour nous, ces hommes, ces femmes et ces enfants, ne sont que des statistiques, des chiffres, sans visage, sans nom, sans voix ; ce sont des invisibles.
Et voilà qu’aujourd’hui, en Haute-Loire, se détachent une figure, un visage et un nom : Madama Diawara, dix-neuf ans, de nationalité malienne, arrivé mineur en France. Une voix aussi se fait entendre, celle de nos camarades, Éric et Véronique, qui depuis deux ans, l’hébergent et l’accompagnent dans chaque moment de sa vie.
La situation de Madama nous interpelle en elle-même, mais aussi parce qu’elle fait écho à celle que vivent les jeunes mineurs ou majeurs étrangers dans notre pays. Nous dénonçons le climat de suspicion généralisée autour des documentations produites par ces jeunes ; nous dénonçons les délais d’attente honteux pour obtenir l’examen de la minorité d’âge ; nous dénonçons le manque de moyens pour la prise en charge de ces jeunes, tant sur le plan de l’accompagnement que sur celui des besoins pédagogiques.
Car c’est bien en tant que fédération syndicale de l’enseignement que nous vous interpellons, Monsieur le Préfet : Madama, pour nous ses enseignants, n’est et ne sera jamais un clandestin. Madama est un de nos élèves, il fait entièrement partie de la communauté scolaire, celle de l’Ecole de la République qui ne fait aucune distinction d’origine entre les enfants et les jeunes qu’elle accueille en son sein. Depuis deux ans, Madama et nous habitons le même monde. Depuis deux ans, Madama est enraciné dans une vie ici, en Haute-Loire, dans une famille d’accueil, mais pas seulement : il est aussi enraciné dans une langue, dans des savoirs, dans une culture. Depuis deux ans, l’Etat mobilise des moyens, du matériel, des enseignants, pour que Madama puisse recevoir, de la même façon que tout autre élève de la République, un enseignement et une formation. Ne nous dites pas aujourd’hui, Monsieur le Préfet, que tous ces moyens, tous ces efforts, n’auront servi à rien ; ne nous dites pas aujourd’hui que la parole donnée peut être trahie du jour au lendemain ; ne nous dites pas aujourd’hui qu’à vos yeux, la transmission, l’éducation, n’ont aucune valeur, et que l’on peut jeter par les fenêtres tout ce qui a été déposé en un élève.
Nous défendons la cohérence, la continuité : expulser celui qui a un jour été accueilli dans les murs de l’Ecole de la République, c’est faire le choix de l’inconséquence.
Pour Madama, et pour tous les autres, nous n’avons qu’un seul mot : régularisation.