Éducation nationale : « Le meilleur des gestes barrières est le recrutement ! »

   Quatre syndicats appellent à la grève pour dénoncer les conditions d’enseignement tant pour les professeurs que pour les élèves.

  Accusant le Ministre de l’Éducation nationale de ne pas prendre la pleine mesure de la situation, ils décrivent ce que vit le personnel au quotidien et le risque d’une carence pédagogique pour les élèves.

Depuis le lundi 9 novembre, les lycées peuvent s’organiser comme ils l’entendent pour clairsemer leurs classes de cours afin de regrouper le moins de monde possible dans un même lieu. Le tout, sans ajout de professeurs supplémentaires et sans toucher une virgule du programme scolaire. Selon le Gouvernement, l’idée serait alors de former des demi-groupes pour réduire les effectifs, et donc le risque de transmission du virus dans les établissements scolaires du seconde degré. Les élèves mis un temps dehors suivraient alors les cours à distance, chez eux, en totale autonomie.

Une théorie parfaite au royaume des Bisounours mais loin d’être juste et réalisable dans la réalité de notre monde en 2020 selon l’intersyndicale constituée de FO, CGT, FSU et Sud.

« Le dédoublement des classes ne peut se faire sans l’embauche de professeurs »

Les syndicats apparaissent remontés et indignés face aux exigences de Jean-Michel Blanquer, Ministre de l’Éducation Nationale. « Le dédoublement des classes ne peut se faire sans l’embauche de professeurs, insiste Benoît Bacl, militant Force Ouvrière des lycées et des collèges. C’est l’unique solution pour se battre contre l’épidémie. Et le meilleur des gestes barrières est le recrutement ! »
Actuellement, seuls les lycées sont concernés par la directive. Mais les syndicats ont peur qu’elle ne s’étende ensuite aux collèges. « Déjà qu’il est très difficile pour des lycéens de parvenir à une autonomie scolaire, il semble presque irréalisable de l’adopter aux collégiens ».

Seule l’UNSA n’appelle pas à la grève

« Nous n’appelions pas à la grève aujourd’hui bien que nous demandons le recrutement de personnels supplémentaires dans les écoles, collèges, lycées et services administratifs : enseignants, médecins scolaires, CPE, infirmiers, AED, personnels administratifs, PSY- EN, AESH. Pour nous, la crise sanitaire ne fait que mettre en lumière et en exergue une crise au sein de l’Éducation Nationale qui dure depuis bien longtemps ». Elle lance une pétition régionale.

« Le ministère est en train de massacrer une année scolaire »

Ce déséquilibre d’autonomie, au cas où des élèves devraient être dehors pour apprendre de la même façon qu’en établissement, est confirmé par un adhérent FO. « Je suis enseignant en université, précise-t-il. Je peux vous assurer que même des étudiants de 18 ou 20 ans ne sont pas tous autonomes. Pour certains, ça va très bien se passer. Pour d’autres, c’est la catastrophe. D’autre part, il y a un vrai problème de discrimination et d’injustice dans la pratique des cours à distance. »

 

Pas d’ordinateur, pas de connexion Internet efficace, pas de lieu calme ou adapté pour s’immerger pleinement dans les cours à domicile... « Chaque foyer est différent, ajoute un militant de FSU 43. De ce fait, nous sommes face à une disparité sociale qui n’existe pas entre les murs de l’école. Le ministère est en train de massacrer une année scolaire. Et surtout, il met en place les bases d’une génération sacrifiée ».

« Ce système est extrêmement pervers »

Sur le même sujet, Louise Pommeret du Snes FSU, craint de véritables dégâts psychologiques pour les enfants trimballés entre l’école et les cours à la maison. « Les élèves qui ne sont pas autonomes seront profondément impactés, prévient-elle. Leur estime de soi va être très fragilisée. Ce système est extrêmement pervers. » Elle ajoute : « Toutes ces mesures vont inévitablement développer une inégalité entre les élèves et faire de lui le propre contributeur de son échec scolaire ».

 

Outre l’aspect individuel du problème, la continuité pédagogique générale ne peut pas être assurée correctement. « Renvoyer les élèves chez eux et les priver de l’enseignement direct du professeur est grave, s’inquiète son camarade de la CGT. Nous devons et nous allons devoir combler un retard de plus en plus abyssale sans changer notre programme scolaire, ce qui est impossible sans recrutement. La continuité pédagogique est, en ce sens, inapplicable dans sa globalité ».

 

« Cela s’apparente à du déni, du mensonge et du mépris »

Véronique De Marconnay, militante au syndicat Sud, est choquée par l’attitude du Gouvernement. « La gestion de la crise est calamiteuse, déplore-t-elle. On navigue à vue. Les discours et les annonces sont d’une incohérence affligeante. Le Gouvernement assure qu’il n’y a pas de transmission du virus entre les élèves et par les élèves. Jean-Michel Blanquer dit aussi que la circulation du Covid est maîtrisée dans les collèges et les lycées. Il minimise dangereusement la gravité de la situation. Cela s’apparente à du déni, du mensonge et du mépris pour les professeurs, les élèves et les parents d’élèves. Il va quand même jusqu’à contredire les chiffres de l’ARS (Agence Régionale de Santé, Ndlr) et conseiller d’ouvrir les fenêtres pour faire partir le virus. »


Elle précise : « C’est la première fois que nous nous mettons en grève pour protéger notre santé et celle de nos élèves. Une première dans l’histoire de l’Éducation Nationale ».

1 800 postes supprimés l’an prochain

D’après les chiffres partagés par le syndicat Force Ouvrière, 12 collèges sur 22 en Haute-Loire comportent des classes surchargés avec des effectifs dépassant plus de 30 élèves. En parallèle, ce sont 1 800 postes dans le seconde degré (collège et lycée) qui devraient être supprimés à l’échelle du pays en 2021.

Des impasses sur tous les fronts

Au-delà de la nécessité à recruter de personnel enseignant d’autant plus maintenant pour assurer le dédoublement des classes, les syndicats exigent aussi l’embauche d’agents des collectivités. « Au lycée Charles et Adrien Dupuy, cinq agents sont en congé maladie, livre Louise Pommeret. Le résultat est que le ménage n’est plus assuré ce qui est en totale contradiction avec le protocole sanitaire voulu par le Gouvernement. »


       Autre sujet de friction, la politique du test. « Jean-Michel Blanquer souhaite que tous les effectifs soient testés dans les établissements scolaires du second degré, continue Louise Pommeret. Déjà que les hôpitaux sont plus que débordés et eux-aussi en grave manque de personnel, comment pourrait-on établir une politique de test dans les lycées et les collèges ? Comment peut-on appliquer une telle directive sans le recrutement d’infirmières scolaires ? »

 

« Cela serait irresponsable que l’on ne fasse rien ! »

Guy Thonnat, secrétaire départemental FO, appuie les arguments de ses collègues. « La réalité est que les classes sont surchargées avec une tension maximale pour tous. Et encore une fois, la création de poste est le premier des gestes barrières contre cette épidémie et contre la carence scolaire qui en résulte. Actuellement, les directeurs des lycées font chacun à leur sauce pour suivre les recommandations gouvernementales tout en étant conscients des problématiques qu’elles engendrent. »


        Benoit Bacl tape du poing : « Nous n’avons pas l’intention d’en rester là ! Nous allons, mercredi 18 novembre, nous rassembler devant le siège de l’Inspection Académique pour décrire cette réalité. » Gravement, il conclue : « Cela serait irresponsable que l’on ne fasse rien ! »

Nicolas Defay

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Face à la crise sanitaire, les syndicats d’enseignants (FO, FSU, Sud Éducation, CGT Éduc’action, Unsa) ne voient qu’un seul remède : « créer de toute urgence des postes supplémentaires » dans les écoles, collèges et lycées du département.

Le recrutement « immédiat » de personnels, revendiqué mardi, par l’ensemble des organisations syndicales, à l’occasion d’un appel national à la grève, doit permettre de « dédoubler les classes » afin de lutter contre la propagation du coronavirus.

« C’est le meilleur des gestes barrières »

Des classes « surchargées » qui comptent parfois « trente-cinq ou trente-six élèves. Dans douze des vingt collèges, il y a plus de trente élèves par classe », déplore Guy Thonnat, du syndicat Force ouvrière, convaincu qu’il y a des clusters.
Pour l’Intersyndicale, la création de postes est « le meilleur des gestes barrières » et l’assurance de pouvoir remplacer les enseignants en arrêt maladie, qu’ils soient « positifs au Covid-19 ou en burn out ». Preuve que les enseignants manquent en Haute-Loire, « au cours de la semaine dernière, ils étaient quinze à ne pas être remplacés. On travaille à moyens dégradés », protestent les organisations syndicales qui tiennent Jean-Michel Blanquer pour seul responsable.

Résultat, les enseignants sont « épuisés », lessivés par les réformes et la « gestion calamiteuse » de la crise sanitaire par le ministre de l’Éducation. Quant aux élèves, ils sont « en retard », en particulier « les plus fragiles ». Le travail en distanciel lors du premier confinement a « creusé les inégalités. Ça ne marche pas. Les situations de décrochage se sont multipliées », constatent les représentant des syndicats qui, cette fois, veulent à tout prix éviter de « renvoyer les élèves chez eux ». Mais pour cela, une seule solution à leurs yeux : « La création immédiate de postes. »

Déterminées, les organisations syndicales ne comptent pas « en rester là ». En Haute-Loire, elles devraient faire circuler une pétition et prévoient déjà de manifester leur mécontentement devant l’Inspection académique le mercredi 18 novembre. 

Ophélie Crémillieux